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Les dons de Manoel de Oliveira

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oliveira-venise-07-frodonA Venise en 2007 (photo JMF)

Sa longévité n’impressionne que ceux qui n’ont pas vu ses œuvres. Les autres se souviendront d’un poète de la mise en scène, amoureux des mots et des corps, détenteur d’un savoir mystérieux qui faisait de ses films des miracles.

Il est mort le 2 avril. Il était âgé de 106 ans –au moins: plusieurs sources laissent entendre que cet homme coquet avait un peu triché sur son âge, qu’il était en fait plus âgé. Le décompte n’importe pas tellement, de toute façon.

Pour ses 100 ans, en 2008, le Festival de Cannes lui avait rendu hommage. Rieur et combattif, il avait alors souligné qu’il aurait préféré être salué pour ses films que pour son âge –le Festival l’ayant souvent traité avec désinvolture, lui refusant notamment la compétition officielle pour un de ses chefs d’œuvre, le sublime Val Abraham (1993) –qui triompha à la Quinzaine des réalisateurs.

Des films, il en a réalisé 36. Le premier est un magnifique documentaire de la fin de l’époque du muet, Douro Faina fluvial (1931), une des plus belles réussites de ce genre particulier qu’est le film portrait d’une cité, dans l’esprit de Berlin Symphonie d’une grande ville: une œuvre formaliste, au sens où elle invente des propositions formelles afin de rendre sensibles les singularités de l’existence d’une ville et de ses habitants.

La ville, c’est Porto, sa ville. Celle où il est né, où il a vécu, où il est mort. Celle à laquelle il consacrera 70 ans plus tard le tout aussi beau et complètement différent Porto de mon enfance (2001).

Entre les deux, une longue vie d’homme, et une étrange trajectoire de cinéaste.

Le deuxième film d’Oliveira, Aniki Bóbó (1942), autour d’un groupe d’enfants des faubourgs, est un précurseur isolé du néo-réalisme qui fleurira peu après en Italie. Mais au Portugal règne une dictature bigote et archaïque, celle de Salazar, qui écrase les artistes comme toutes autres formes de vitalité démocratique et de modernité.

Durant trente ans, Manoel de Oliveira aura une vie bien remplie, une vie sportive, mondaine, familiale, professionnelle à la tête d’une petite entreprise –il n’est, socialement, nullement un paria ni un reclus. Le cinéaste, lui, ronge son frein, il tourne quand il peut des courts métrages où toujours se devinent son immense talent et sa liberté d’esprit, mais dans des cadres confidentiels. Jusqu’au magnifique La Chasse (1962), censuré, et dont il est obligé de retourner la fin, puis un documentaire inspiré, le premier long depuis si longtemps, consacré à un rituel populaire mettant en scène la Passion du Christ, Acto de Primavera (1963).

Enfin arrive le début des années 1970, Salazar est mort, son successeur sera bientôt éjecté par la Révolution des œillets.

Manoel de Oliveira trouve les moyens de reprendre un fil si longtemps interrompu, il réalise Le Passé et le présent (1972) et Benilde ou la Vierge mère (1975), deux adaptations littéraires, qui deviendront les deux premiers volets d’une «tétralogie des amours frustrées». Il rencontre alors un compatriote, cinéphile aventureux installé à Paris, programmateur de salle art et essai prêt à de nouvelles entreprises, Paulo Branco.

C’était comme si, après avoir été si longtemps empêché de filmer, un cinéaste dans l’âme se libérait sur le tard avec une puissance décuplée. Ensemble, Oliveira et Branco vont donner son envol à une œuvre immense, complexe et dérangeante. Amour de perdition (1979) et Francisca (1981), respectivement d’après le grand écrivain romantique Camilo Castelo Branco et la romancière contemporaine Augustina Bessa Luis, qui deviendront deux des principales sources d’inspiration du cinéaste, sont deux coups de maître, d’une folle inventivité. Oliveira y remet en jeu naturalisme et théâtralité, rythme et distanciation, ironie et fascination selon des codes inconnus. (…)

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